Numéro : 71

Titre : Débordements carnavalesques

Parution : Décembre 2022

Prix : 2 €

Description :

Dans la carrière prolifique de John Carpenter, The Thing (1982) marque un tournant tout autant financier qu’esthétique. Financier, car il bénéficie d’un budget autrement plus important que les productions précédentes du cinéaste américain (ce qui ne l’empêcha pas d’être un échec commercial) ; esthétique, car le film conserve à certains égards la découpe froidement chirurgicale de Halloween, la nuit des masques (Halloween, 1978) mais se laisse aussi contaminer par un principe de dérèglement généralisé, dans un monde où tout échappe au cadre.

Un tel débordement hors des limites conventionnelles n’est pas sans évoquer l’institution du carnaval, qui fait office de modèle narratif, thématique et esthétique pour un film hanté par la question de la représentation. The Thing semble ainsi irrigué par ce que Mikhaïl Bakhtine appelle la « sensation carnavalesque du monde ». Dans son célèbre ouvrage, le chercheur russe identifie un nouveau registre dont le principe est « l’inversion systématique du haut et du bas, du devant et du derrière, le détrônement bouffon, la promotion des valeurs du corps contre celles de l’esprit : nourriture, boisson, sexualité ».

Dans The Thing, l’univers de la station scientifique, d’abord excessivement normé et désincarné, est progressivement envahi par cela même qu’il rejetait, c’est-à-dire l’inidentifiable. Dénuée de référent fixe, la chair de la chose brouille les limites ordinaires, au point de conduire à une hypertrophie formelle. Le traitement réservé aux corps par le film hérite en effet d’une forme terrible du grotesque qui en distord l’image traditionnelle : par le recours au registre carnavalesque s’opère un jeu avec la limite de la représentation…

Auteur : Alice Letoulat

Format : PDF à télécharger

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