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04.04.25
Un disque inspiré par RoboCop
Dans le sillage d'un ciné-concert remarqué au festival "Les Utopiales" de Nantes, le groupe FRAGMENTS sort un disque inspiré par le film culte de Paul Verhoeven, "RoboCop" (1987). En 12 titres, "Delta City" (2025) capture l’essence des...
Lire la suite03.04.25
Tous nos volumes à 10 euros
Pour célébrer le printemps, tous nos volumes sont disponibles à 10 euros (au lieu de 15) jusqu'au 30 juin 2025. En exclusivité sur notre site www.revue-eclipses.com Offre valable uniquement en France métropolitaine.
Lire la suite23.01.25
Info parution : "De Palma, Mana, Cinéma. L'Impasse (Carlito's Way, 1993), par Jean-François BUIRÉ
Notre ami et collaborateur occasionnel Jean-François BUIRÉ signe un livre percutant, intégralement consacré à Carlito's Way (L'Impasse), l'un des meilleurs films de Brian DE PALMA. Nous conseillons donc vivement la lecture de cette analyse...
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02.06.25
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Film : La Montagne
La montagne magique
Réalisateur : Thomas Salvador
Auteur : Paul Montarnal
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Film : Bons Baisers de Bruges
La justice des fous
Réalisateur : Martin McDonagh
Auteur : Paul Montarnal
Lire l'article09.12.24
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Film : Freaks
On ne naît pas monstre, on le devient
Réalisateur : Tod Browning
Auteur : Paul Montarnal
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La Montagne
(Thomas Salvador, 2022)
Lors d’un séminaire d’entreprise à Chamonix, un ingénieur en quête de sens décide de quitter ses collègues pour prendre la tangente et profiter de la montagne. Il s’équipe, invente une excuse, et décide se lancer dans l’ascension du Mont Blanc.
La Montagne, de Thomas Salvador (France, 2022), présente une quête magique réussie. Là où on attendrait du naturalisme du film une critique de la quête d’absolu à travers l’ascension d’un mont, lieu commun du mysticisme et de la gnose théosophique qui l’accompagne, c’est précisément l’inverse qui a lieu : la rencontre magique est mise en image sous nos yeux. Elle fonctionne. Le naturalisme devient le meilleur moyen de faire surgir le surnaturel au sein du réel. Le mont n’est pas analogue. Le héros est bel et bien transformé par l’ascension, il l’est physiquement, objectivement. Pierre (Thomas Salvador) revient de son ascension avec un bras luminescent. C’est un appel à y aller, à prendre une ligne de fuite, à suivre son désir d’absolu, à opérer en soi un devenir-montagne en acte. La nouvelle individuation de Pierre est double : il parvient à redescendre dans le monde des vivants, et à trouver l’amour qui donne un sens rétrospectif à l’ascension. La quête accomplie est celle qui permet le retour.
Devenir-montagne
Cette quête prend la forme d’une individuation qui se joue en miroir entre Pierre et la substance luminescente de la montagne. Cette substance est tantôt une, tantôt multiple, tantôt grande, tantôt petite, mais tout le temps abondante. Elle est le lieu d’une transsubstantiation permanente, sans centre apparent à part celui de la nuit où elle se révèle à celui qui veut bien la voir. L’attitude de Pierre n’est pas passive, elle est une ouverture active à la rencontre. Si Pierre devient montagne, c’est parce qu’il est lui-même montagneux, calme, impassible, libre.
La manière qu’a le film de trancher sans concession en faveur de la magie objective de la montagne contraste avec la façon dont elle est présentée au début du film. La montagne est d’abord subtilement démystifiée, elle apparaît comme un lieu de tourisme, où la solitude recherchée par tous est de fait inexistante. Et pourtant, la montagne se dévoile progressivement, plan par plan, coin par coin, comme ce qui tiendra sa promesse naïve de réponse métaphysique. Pour cela, il faut y passer du temps, la laisser apparaître. À ce titre, la lenteur minérale du film est une invitation non pas à cocher la case « montagne » comme un objectif à atteindre sur une liste, mais à y rester, à la laisser infuser en nous, comme le fera Pierre lorsqu’il décide de s’y établir pour un temps indéterminé. Elle ne peut se dévoiler qu’à celui qui prend le temps de l’observer silencieusement, de s’y territorialiser et d’épouser son rythme inhumain.
La transmutation
La patience de Pierre, également minérale, est la condition pour qu’apparaisse l’invisible par excellence. Ce qu’il n’est donné à aucun voyageur d’apercevoir est aperçu : l’intérieur de la montagne. Cet intérieur devient le lieu d’une inversion alchimique impensable : le changement du feu en glace, de la chair en or, du milieu terrestre en milieu d’abord aquatique, puis aérien. On peut nager dans la montagne, et glisser en lévitation le long de son flanc. Les lois de la physique y sont court-circuitées, l’intérieur de la montagne est à la montagne ce que la montagne est au sol, son opposé topologique. La transsubstantiation ultime est accomplie : celle du changement de l’être en son être opposé, dans un mouvement lent et organique de l’inerte qui irrigue chaque désir et conforte celui de s’unir charnellement aux éléments, de se laisser tranquillement caresser et submerger par eux.
Amour alchimique en acte
Le mythe de la transmutation est, comme celui de l’ascension de la montagne, un thème alchimique. Aussi n’est-il pas étonnant que la transformation finale du héros à laquelle nous assistons, soit celle d’une rencontre amoureuse. Le personnage de Léa (Louise Bourgoin) comprend tout de suite Pierre et ses raisons, ne l’interroge pas sur son passé, ses motivations, et ne le soupçonne pas de volonté de mort. Cette rencontre amoureuse se fait sous le signe d’une indescriptible alchimie entre les deux personnages, attirés dans un devenir fusionnel et tendre l’un vers l’autre, dans un amour médiatisé par un troisième terme, de la base au sommet : la montagne elle-même qui fusionne avec Pierre, puis avec Léa, dans une douce célébration matérielle des éléments.
De retour sur terre, Pierre a bel et bien été changé, le voyage qu’il a fait n’est pas une énième introspection ou une fuite en avant. On ne peut pas dire que ce n’est pas le résultat qui compte mais le chemin. Le mythe de l’anabase, selon lequel le héros revient transformé du voyage, est pris au pied de la lettre, au sens le plus littéral possible, contre toute interprétation métaphorique. Il revient réellement métamorphosé, doté d’un nouveau bras puissant et enchanté, avec la certitude de l’évidence confirmée : oui, la montagne est magique.
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