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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

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Chronique : L'Etrange Festival, 17ème édition  

L'Etrange Festival, 17ème édition
(- Paris, 2011)

Les beautés de l'Etrange

par Michaël Delavaud le 19.09.11

Du 2 au 11 septembre se tint la 17ème édition de L'Etrange Festival, rendez-vous parisien atypique mettant dans le feu des projecteurs un cinéma de genre qui, usuellement, peuple les marges de la reconnaissance institutionnelle, bien que les mentalités commencent quelque peu à évoluer (le prix cannois de la Mise en Scène attribué à Drive en 2011 de Nicolas Winding Refn, par ailleurs présenté à L'Etrange Festival, est en cela un signe encourageant).

 

Une compétition internationale de vingt-deux films, la diffusion parallèle d'une quinzaine d'avant-premières ou de films inédits et de six raretés exhumées, une compétition de courts-métrages, trois cartes blanches confiées à Jean-Pierre Mocky, Liliana Cavani et Julien Temple, une soirée consacrée à Rutger "Hitcher" Hauer, deux nuits Grindhouse et Sushi Typhoon (label japonais de cinéma de genre déjanté, affilié à la Nikkatsu)... Retour sur dix films regroupés en cinq binômes, représentatifs de cette programmation riche en émotions fortes et en cinéma pur.

 

Corps en mutation

 

S'ils semblent radicalement différents l'un de l'autre, il se trouve que le sombre Bullhead (Michael Roskam) et le déchaîné Super (James Gunn) possèdent un intéressant point commun : le traitement du corps, la question de sa transformation exhibant la douleur intime de celui qu'il enveloppe.

 

Le film belge Bullhead est avant tout un film de pègre ; Jacky est un jeune éleveur de bovins qui s'est fait une place confortable dans un lucratif réseau de trafic d'hormones. Ledit réseau est sur le point d'imploser suite à la mort par balle d'un policier enquêtant de trop près sur ces activités illicites. Tous les codes du genre sont alors appliqués à la lettre : enquêtes et filatures policières, duplicité d'un indic trahissant les uns et les autres, séquences où la brutalité sert l'intimidation... Là n'est pas nécessairement l'intérêt du film, qui résiderait plutôt dans le corps-baudruche de son personnage principal. Jacky, à l'instar des bêtes qu'il engraisse à coups de seringues, est un corps artificiel, surgonflé par les injections de testostérone qu'il s'inflige en réaction à un évènement violemment traumatique de son enfance, qui l'a marqué à la fois physiquement et moralement. La massivité impressionnante du corps de Jacky (brillamment interprété par Matthias Schoenaerts) est donc l'expression de sa douleur intime, ce qui transforme ce type de prime abord rustre et brutal en un personnage profondément émouvant, quasi mélodramatique. Bullhead n'est pas exempt de défauts : inégalité des acteurs, cohabitation mal à propos d'une intense noirceur et d'un ton potache et parfois scabreux (évoquant parfois le belge Dikkenek) faisant parfois basculer le film dans un ridicule un peu malsain (voir les deux personnages de garagistes stupides, très handicapants pour la fiction). Mais il n'empêche que la musculature maladive de son personnage principal, sa corporéité monstrueuse et cronenbergienne, traductrice de ses douloureux affects, font de chacune de ses apparitions de jolis moments de terreur et de tristesse mêlées. C'est certainement pour cette raison que Bullhead a provoqué un tel engouement, de la part du festival, du public et du jury (le film a en effet remporté le Prix Nouveau Genre 2011 de L'Etrange Festival). Engouement qui, malgré les qualités du film, semble tout de même excessif.

 

De même que le Jacky de Bullhead, le personnage de Super est lui aussi à sa façon un corps mutant, dont les transformations cherchent à pallier sa douleur, amoureuse celle-là. Frank (Rainn Wilson), cuistot dans un snack moyen, est un homme sans qualités qui voit sa compagne Sarah (Liv Tyler, d'une joliesse sans nom) le quitter pour Jacques (le toujours génial Kevin Bacon), un très méchant dealer. Afin de combattre son chagrin et de sauver son amour des griffes de Jacques, Frank se transforme pendant son temps libre en Crimsom Bolt, super-héros bricolé, dont le seul super-pouvoir est l'envie de vaincre le Mal (la phrase-gimmick du film, reprise sur l'affiche : "Shut up, Crime !"). Le personnage de Super ne change pas physiquement ; il est et restera durant tout le film un gars enrobé, sans souplesse et profondément vulnérable. Le changement est perceptible dans l'attitude du personnage, passant d'une douceur timide et bonhomme (celle de Frank) à une agressivité résolument sauvage (celle de Crimsom Bolt). Une séquence est de ce point de vue très parlante : le personnage est incapable de se défendre face à un gars resquillant dans la file d'un cinéma ; il court enfiler son costume de super-héros dans sa voiture et revient pour éclater le crâne du resquilleur à coups de clé anglaise. La violence est donc ici histoire de métamorphose vestimentaire et schizophrène (Crimsom Bolt est en fait un cousin proche de la Catwoman burtonienne), encore une fois influencée par le drame sentimental et existentiel que le personnage subit. De fait, si cette radicalisation du Kick -Ass de Matthew Vaughn (2010) est un divertissement enlevé et brutal, carré mais excentrique, par moments absolument hilarante, il n'empêche que Super, portrait d'un homme se battant en vain contre son chagrin et condamné à la solitude, est aussi et surtout une oeuvre terriblement douloureuse. Film drôlement triste, pop par défaut, d'une beauté irréelle et d'autant plus impressionnante qu'elle rendrait presque secondaire le discours pourtant insupportablement réactionnaire et bigot d'une oeuvre en tous points débridée.

 

Classicisme et académisme

 

The Thief de Russell Rouse (1952) est l'une des raretés sorties des tiroirs par L'Etrange Festival. Ce film d'espionnage, tourné au commencement de la Guerre Froide, raconte les états d'âme d'un scientifique américain transmettant des documents secrets à une puissance ennemie. L'originalité de ce film est que s'il est sonore, il est aussi muet, dénué de la moindre ligne de dialogue. Si le dispositif est attrayant, il faut avouer que The Thief ne tient néanmoins pas la route. En ne sachant pas comment se dépatouiller de son encombrant concept sonore, Russell Rouse (surtout connu comme scénariste du magnifique Mort à l'arrivée [D. O. A. , 1950] de Rudolph Maté) ne parvient qu'à être confus, semblant ne plus savoir par quel bout prendre son film. Malgré une très jolie séquence de poursuite verticale dans les ascenseurs et escaliers de l'Empire State Building, The Thief est un exercice de style frustrant, qui ne cherche jamais vraiment à transformer son idée de départ en autre chose qu'une idée. Ce film muet mais sonore est d'abord une fiction d'espionnage archi-rebattue, paradoxalement académique en dépit de ses efforts d'innovation aussi méritoires que vains.

 

A l'inverse, La Dernière Fanfare (The Last Hurrah, 1958), film rare de John Ford programmé par Jean-Pierre Mocky, est d'un inébranlable classicisme. Récit d'une campagne électorale dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre opposant le maire sortant Frank Skeffington (Spencer Tracy) et Kevin McCluskey (Charles FitzSimons), jeune homme de paille des riches notables hostiles au pouvoir du vieil élu, La Dernière Fanfare, sans effets de manche, est d'une solidité à toute épreuve. Ford mise sur la plus grande simplicité formelle, laissant toute amplitude à ses nombreux personnages se mouvant et communiquant dans de longs plans larges dans les bureaux de campagne ressemblant de près ou de loin aux décors d'un impitoyable théâtre. Ce film, d'une limpidité narrative sans égale, traçant une ligne claire du premier au dernier jour de la campagne électorale, est la radiographie d'une rare justesse du microcosme politique, traduisant à merveille sa dureté et sa merveilleuse rhétorique. Ford distille un mauvais esprit absolument jubilatoire (l'acerbe scène des funérailles transformées en meeting électoral ; l'hilarante séquence du tournage télévisé incontrôlé dans le salon du candidat McCluskey), faisant de son film un bloc de joyeuse truculence. Mais comme ses formidables titres (le français et l'original) l'indiquent, cette joie (explicitée par les termes "Hurrah" et "Fanfare") cohabite avec la perte et le passage du temps ; cette campagne électorale, que les titres décrivent comme la dernière, est clairement un chant du cygne, la chute d'un monument qui marche vers sa propre mort. La Dernière Fanfare est donc un film curieusement crépusculaire, à la fois mélancolique et ne se départissant jamais de son amusante verve (les derniers mots de Skeffington sur son lit de mort servent à former une petite pique à l'un de ses opposants). Cette oeuvre, d'une beauté soufflante, est sans conteste l'une des plus marquantes de la gigantesque filmographie de John Ford.

 

Sous contrôle

 

Le thriller colombien Salue le Diable de ma Part de Juan Felipe Orozco et le slasher/survival australien The Clinic de James Rabbits sont deux parties d'un jeu cruel dont les personnages principaux seraient les pions et l'espace dans lequel ils s'ébattent le plateau, le tout orchestré par un grand ordonnateur, spectateur sans pitié omniscient et omnipotent, symbolisant de façon à peine dissimulée le sadique amateur de séries B assis face à l'écran.

 

Une jeune femme enceinte est enlevée dans un motel miteux du bush australien ; elle se réveille dans une baignoire remplie de glace située dans un abattoir désaffecté transformé en curieuse prison. Son ventre est plat et suturé. Sa seule obsession, ainsi que celle d'autres compagnes d'infortune trouvées en chemin, est de retrouver l'enfant qu'on lui a enlevé. La quête, observée par un couple étrange grâce à un gigantesque réseau de vidéosurveillance, sera sanglante... Situé entre l'immonde Hostel (marchandisation des corps ; mise en scène quasi vidéoludique du lieu clos) et la ciné-suite Saw (brutalisation des corps comme moteur scénaristique) mais heureusement expurgé de leur cynisme détestable, The Clinic ne cherche jamais véritablement à être autre chose qu'un petit divertissement à sensations du samedi soir. Rien de honteux à cela, au contraire. Mais encore eût-il fallu que James Rabbits soigne un tant soit peu son scénario, en l'état absolument aberrant, rempli de facilités et de détails insignifiants inaptes à combler des vides abyssaux. Un peu tape-à-l'oeil (les scènes oniriques), efficace lors de quelques instants périphériques à la diégèse (une scène assez haletante où les femmes sont poursuivies par des dingos affamés), The Clinic est surtout un film singulièrement dénue d'intelligence. Ratage quasi complet.

 

Salue le Diable de ma part est d'un tout autre acabit. Angel (Edgar Ramirez) est un ancien guerillero que l'état colombien a amnistié. L'une de ses anciennes victimes, physiquement très marquée par les tortures qu'on lui a infligées (il en est resté paralysé), enlève sa fille et lui donne soixante-douze heures pour retrouver ses complices et les tuer. Mis sur écoute, pisté vingt-quatre heures sur vingt-quatre par son maître chanteur qui lui a implanté une sorte de balise Argos ultra-perfectionnée, Angel est condamné à n'être plus qu'un corps en action dans une immensité urbaine qui fait office de plateau de jeu géant. Cette mise sous contrôle permet à Juan Felipe Orozco de définir l'absurde réversibilité de la vengeance, changeant un bourreau en victime et une victime en bourreau. En tuant la femme de l'ancien guerillero et en menaçant sa fille, l'homme au fauteuil roulant ne fait rien d'autre que de réitérer à son compte les horreurs qu'il a lui-même subies ; en faisant de son ancien tortionnaire un être sous influence qu'il peut diriger à loisir, le paralysé n'est pas moins déshumanisant que ne put l'être son ennemi. D'une jolie profondeur, formidablement rythmé, rugueux à souhait, Salue le Diable de ma part se révèle solide en tous points, à défaut d'être absolument révolutionnaire (un comble pour un film qui met en scène un ancien membre des FARC...). L'énergie et la maîtrise plastique de cet excellent thriller colombien évoquent étonnamment la richesse du polar coréen contemporain. Très réussi.

 

Les anges exterminateurs

 

En parlant de polar coréen, L'Etrange Festival en programmait deux, The Unjust de Ryoo Seung Wan (que nous n'avons pas vu) et The Man from nowhere de Lee Jeong-beom. Ce dernier est aussi sympathique qu'oubliable. Un prêteur sur gages solitaire garde le sac que lui confie sa voisine. Problème : le sac contient la drogue que la jeune femme, effeuilleuse à ses heures, a volé à la mafia à laquelle appartient le club où elle danse. En semant le désordre et la mort dans l'entourage du prêteur sur gages afin de récupérer les stupéfiants, le gang mafieux va se mettre ce personnage singulier à dos, sans savoir qu'il s'agit d'un redoutable tueur des services secrets coréens rangé des voitures... La richesse de la production issue du Pays du Matin Calme est telle que The Man from nowhere ne peut se voir que comme un film mineur. La trame scénaristique cataloguant tous les lieux communs du polar coréen moderne, ainsi qu'une mise en scène un peu trop propre font du film de Lee un honnête divertissement sans aspérités. Une superbe scène de combat à l'arme blanche où le héros élimine une quinzaine d'assaillants et l'impressionnant acteur principal du film (Bin Won) n'y changeront rien : The Man from nowhere ne possède pas la force viscérale des grandes réussites récentes du cinéma coréen, comme Breathless de Yang Ik-june ou les films de Na Hong-jin (The Chaser [2009] et The Murderer [2011]) et reste de ce fait en deça de cette qualité. Mais répétons-le, le film reste cependant un agréable moment.

 

Drive de Nicolas Winding Refn semble être la version américaine de ce film coréen : même personnage marmoréen au pouvoir de destruction semblant illimité (on peut aussi en cela déceler un cousinage avec le personnage-titre du précédent film de Winding Refn, Le Guerrier Silencieux [2010]), même intrigue pleine de mafieux à la recherche d'un sac leur appartenant (l'argent a remplacé la drogue), même jolie voisine (avec enfant) en danger, un personnage de prêteur sur gages (ici très secondaire mais déterminant)... Niveau scénario, rien que de très rudimentaire, donc. Et pourtant, Drive emporte le morceau haut la main, ceci grâce à un talent formel époustouflant. Que le film ait remporté la Prix de la Mise en Scène à Cannes n'a rien d'étonnant tant le nouveau Winding Refn semble ne carburer qu'à la sidération esthétique qu'il provoque. La scène d'ouverture palpitante, aux multiples variations rythmiques (brusques accélérations tempérées par d'aussi brusques chutes de tension), structurée de la même manière qu'un morceau de musique électro, est d'ores et déjà anthologique. Constellé de scènes à la beauté fulgurante (une fusillade dans un motel ; un bolide surgissant de la nuit pour immobiliser un gangster et le projeter sur une plage ; le plan fixe d'un visage masqué et figé, aux yeux perçants, observant fixement la salle d'un restaurant), accompagné par l'une des plus jolies B.O. de ces dernières années, Drive est clairement l'un des films marquants de 2011, et la preuve supplémentaire de la virtuosité exempte de gratuité du Danois Nicolas Winding Refn, qui se fait ici l'héritier grandiose de Michael Mann.

 

Chocs

 

L'Etrange Festival fut néanmoins dominé par deux films : un classique russe (Requiem pour un massacre) et un superbe petit film anglais projeté pour la  première fois sur le sol français (Kill List).

 

Requiem pour un massacre, film réalisé par Elem Klimov en 1985, a été programmé par Julien Temple dans le cadre de sa carte blanche. Ce film-monstre est moins un film de guerre que la chronique d'un adolescent traversant un conflit sans y participer réellement et en en subissant les pires tourments. Un jeune garçon biélorusse s'engage dans la résistance contre les nazis. Il y perdra sa famille, tuée par l'armée allemande, et son innocence idéaliste lors d'une séquence, aussi longue que terrible, montrant le massacre de la population d'un village. Alliant un sens du baroque picaresque et hallucinatoire d'un Werner Herzog à une sophistication formelle et un sens de l'espace absolument kubrickiens, Requiem pour un massacre parvient à rendre compte, sensoriellement parlant, de la barbarie guerrière. La mobilité d'une caméra saisissant tous les détails les plus terribles (le travelling effleurant le tas de cadavres dans lequel se trouve certainement la mère et les soeurs du personnage principal) permet une véritable immersion dans l'horreur. De ce point de vue, la séquence-clé du massacre du village est une véritable expérience, à la fois mise en lumière traumatisante de crudité d'exactions infâmes et troublante mise en évidence du potentiel esthétique et fascinatoire de cette barbarie, comparable au monumental triptyque d'Otto Dix, La Guerre (1924). Ce film choquant et sublime est une oeuvre d'art capitale.

 

Kill List, réalisé par le jeune Anglais Ben Whistley, est moins évidemment massif mais il n'en est pas moins très impressionnant. Un homme végète dans sa maison, au grand désespoir de sa femme et de son fils. Ancien militaire reconverti en tueur à gages, il est traumatisé par une mission avortée en Ukraine (dont nous ne saurons rien). Son meilleur ami lui propose un nouveau contrat visant à exécuter trois hommes, commandité par un groupe d'hommes étranges. Et de comprendre que la mission ukrainienne foirée (dont nous ne saurons toujours rien) n'est pas sans rapport avec ce nouveau travail. Le talent de ce film très noir est sa manière très particulière et adroite de mélanger les genres avec l'air de ne pas y toucher. Débutant comme un drame domestique à l'anglaise, Kill List vire sans que l'on ne s'en rende vraiment compte au néo-noir le plus serré, non dénué cepenant d'une petite touche de dérision pinterienne (les deux tueurs à gages sont finalement aussi étrangement inquiétants que goguenards, à l'instar des menaçantes gouapes de L'Anniversaire). Au néo-noir hard boiled se mêle un air de vigilante movie (l'une des cibles du contrat permet de mettre un odieux pédophile hors d'état de nuire) particulièrement anxiogène, montrant le caractère borderline et ultra-violent d'un personnage auparavant montré comme un gars pèpère et hésitant (la séquence de la torture au marteau, à la fois barbare et distillant un humour à froid très british). La dernière cible, faisant affronter les tueurs aux membres d'une secte horrible, fait basculer le film dans l'épouvante pure (une course dans un souterrain fait irrémédiablement penser à la terreur primale de The Descent de Neil Marshall [2005]). Oeuvre effarante, complexe et généreuse, préservant quelques jolies zones d'ombre permettant au film de palpiter par-delà la projection (entre autres le médusant final, nébuleux et aux multiples interprétations possibles), montrant une maîtrise rare du cadre et du rythme, Kill List est une splendeur absolue qui, espérons-le, aura la possibilité d'être distribué sous nos cieux.

 

Bilan très positif, donc, de cette édition 2011 de L'Etrange Festival, qui a permis la découverte de talents très prometteurs (par ordre de préférence : Ben Whistley, Juan Felipe Orozco, James Gunn... et certainement d'autres que nous n'avons pu voir), la confirmation d'un auteur décalé et décidément primordial dans le paysage cinématographique mondial (Nicolas Winding Refn, qui fut, c'est à noter, découvert par L'Etrange Festival il y a de cela quelques années) et l'opportunité de voir ou de revoir des oeuvres plus anciennes d'une qualité époustouflante (de Ford à Klimov). L'étrangeté peut receler une beauté d'autant plus éclatante qu'elle n'est pas superficielle. De même pour L'Etrange Festival et sa programmation 2011.

 

Michaël Delavaud

 

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