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La Dernière tentation du Christ
(Martin Scorsese, 1988)
Dans le premier quart d’heure de La Dernière Tentation du Christ (1988), Jésus essaie de convaincre Dieu qu’il a misé sur le « mauvais agneau », en prenant l’exact contre-pied de la décision de son Père : plutôt que de monter sur la croix, il choisit d’aider l’envahisseur romain à crucifier d’autres juifs. Déjà présente dans le roman de Kazantzakis, cette inversion pour le moins osée trouve dans la séquence d’exposition du film de Martin Scorsese une force supplémentaire : Jésus, le charpentier qui fabrique des croix pour les romains, essaie sa dernière « création » avant de la livrer ! Il se met en position face à la croix, dos au spectateur, et écarte les bras pour juger de la qualité de son travail. Ce plan, d’une incroyable richesse sémantique, représente la clef du film tout entier.
Willem Dafoe fait en effet semblant de se crucifier, qui plus est à l’envers. Symboliquement, il refuse donc d’accomplir la volonté de Dieu (il n’est pas « dans le bon sens » par rapport à la croix) et refuse pour la même raison d’offrir au spectateur (auquel il tourne le dos) l’image qu’il attendait : Jésus ne veut pas être le Christ et se donne par conséquent à voir comme le « contraire d’une icône », mais aussi comme une icône erronée, donc imparfaite.
Un cri féminin de victoire, déformé et très lointain, s’amorce à l’instant où Jésus s’approche de la croix, et s’étouffe dès que l’on comprend que la crucifixion n’est qu’une simulation. Pour réentendre ce cri, distinctement cette fois, il faudra attendre la destruction avortée de Jérusalem, moment clef de La Dernière Tentation où Jésus décide pour la première fois d’écouter son Père. On le réentendra à nouveau à la toute fin du film, lorsque le personnage acceptera de jouer son rôle jusqu’au bout, et d’occuper la place que Dieu a choisi pour lui. Pour l’heure en tous cas, il n’est pas encore prêt à « assumer son image ».
Quelques secondes plus tôt, nous apprenions par le biais de la voix-off que Jésus se « flagellait avant de s’endormir ». Effectivement, toujours dans ce fameux plan de crucifixion inversée, on découvre que le dos du personnage est couvert de cicatrices. Dès lors, le propos qui sera développé par le film apparaît de la manière la plus limpide qui soit, une seule et même image suffisant à englober la cause et ses conséquences : le pêché de Jésus est de construire des croix au lieu de se sacrifier, la punition qu’il s’inflige en retour est marquée sur son dos. Tout est à l’intérieur du plan : notre Christ indiscipliné, en refusant d’emprunter la voie que Dieu a tracé pour lui, se bat en fait contre sa propre conscience. Ce n’est donc pas Dieu mais lui seul qui s’inflige cette souffrance qu’il prétend ne plus pouvoir supporter.
Ce que démontre La Dernière Tentation du Christ, c’est qu’accomplir son destin est un acte volontaire et courageux : le Christ de Scorsese, terrorisé par la croix, est d’ailleurs prêt dans la première partie du film à accepter n’importe quel échappatoire, y compris la damnation. En filigrane, il apparaît également que le chemin qui nous détourne du devoir est une source de douleur infiniment plus intense que le devoir lui-même, quelle qu’en soit la nature. En fait, ce que nous dit Scorsese, et ce que confirme le sourire de Willem Dafoe à la dernière seconde du film, c’est bien que le sacrifice de Jésus sauve non seulement l’humanité en rachetant les pêchés du monde (lecture chrétienne standard), mais surtout que Jésus se sauve lui-même. Un Christ à dimension humaine, voilà donc ce qui caractérise en premier lieu « l’évangile selon Saint Martin ».
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