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26.02.24

Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet

Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...

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Critique : Dark Shadows  

Dark Shadows
(Tim Burton, 2012)

De figures en figurines

par Estelle Bayon le 25.05.12

Fort du succès de son inimitable univers, Tim Burton se contente-t-il de faire du Tim Burton ? A partir de quel moment un style devient une marque de fabrique ? A ces interrogations qui agitent çà et là la réception des derniers films du génie visionnaire d’Hollywood, on regrettait dernièrement de se laisser dire que, oui, peut-être, le cinéaste fléchissait dans un certain automatisme par lequel l’imagerie du producteur aurait asphyxié l’imaginaire du réalisateur. Appliquant ses ritournelles stylistiques et ses obsessions thématiques aux romans cultes de Roald Dahl et de Lewis Carroll, les décevants Charlie et la chocolaterie (2005) et Alice au pays des merveilles (2010), embarqués dans une effervescence rococo, peinaient à convaincre et à nous emporter dans les mondes fantasques que Batman (1989), Sleepy Hollow (199) ou Edward aux mains d’argent (1990) avaient su déployer avec une ingéniosité forçant le respect dans les univers formatés des studios hollywoodiens.

Mais se poser ces questions, c’est omettre que le style d’un auteur se lit aussi dans l’évolution de ses motifs et refrains thématiques. Et sur ce point, il faut reconnaître que Dark Shadows (2012) retrouve un certain panache… avant de retomber dans une mécanique trop huilée où l’exubérance numérique et l’automatisme narratif phagocytent les ingrédients distillés dans une jouissive première partie, et replacent ainsi ces interrogations au cœur du doute qui se demande si la fascinante ritournelle burtonienne ne virerait pas à une lassante rengaine.

 

La famille Burton-Collins ou la grande parade

 

Burton possède cette capacité, celle des grands réalisateurs, à déployer son univers en traversant les genres (sans toutefois rarement dévier hors de la sphère fantastique), ajustant ses leitmotivs à la science-fiction comme au conte d’animation, au film de super-héros, au biopic ou au musical. C’est vers la franche comédie que lorgne Dark Shadows, flirtant parfois avec Beetlejuice (1988). C’est à nouveau autour de la table que se joue la scène la plus forte du film : lors de la cultissime Day-O party, Beetlejuice possédait depuis l’au-delà les Deetz, nouveaux propriétaires de la maison du couple Maitland revenu d’entre les morts pour hanter les méchants snobs. Ici, c’est Barnabas Collins qui surgit de sa tombe après deux cent ans pour réintégrer le cercle de ses descendants. Le repas est l’occasion habile de lui présenter les personnages : la matriarche Elizabeth déguisée en Morticia Addams, l’ado boudeuse, le petit garçon, son père indigne et sa psy alcoolique, ainsi que la jeune Victoria, nouvelle gouvernante venue de New York et réincarnation de Josette, sa douce épouse. La belle fut poussée au suicide sous le sortilège de la jalouse Angélique Bouchard, quand l’insolent fut transformé en vampire et jeté sous terre afin d’y souffrir pour l’éternité.

Dark Shadows est une histoire de famille, chère à Burton, tant dans les films eux-mêmes (Frankenweenie, 1984 ; Edward, 1990 ; Big Fish, 2003 ; Sweeney Todd, 2008) qu’en amont de leur méticuleuse création. Ainsi le cinéaste retrouve son jumeau, l’alter ego Johnny Depp, à qui il offre un huitième personnage haut en couleur(s), rouge sanguinolent maculant le costume sombre qui tachait déjà celui du barbier de Fleet Street ou ornait la parure de Willy Wonka. Il laisse la crinière orange du Chapelier à l’épouse Helena Bonham Carter, et pare à nouveau de noir Michelle Pfeiffer, ex-Catwoman, cousine éloignée depuis vingt ans. L’autre frère de cette famille recomposée reste Danny Elfman, dont on regrettera ici qu’il drape le film d’une bande-son inhabituellement modérée, effacée par le faste des tubes des Carpenters ou d’Alice Cooper, invité surprise de la grande parade. Au jeu des couleurs, la femme fatale qu’incarne avec un plaisir communicatif la nouvelle recrue Eva Green, sous ses airs glaçants de Lisa Marie, n’abandonne le rouge libidineux et le cruel noir et blanc que le temps d’une scène sexuelle de haute voltige. Mais le bleu spectral et la blondeur ondulée que Josette et sa réincarnation empruntent à Alice ou à la Kim d’Edward est sur elle trop sombre et le cheveu trop rigide pour qu’agisse le charme romantique. Reste l’envoûtement d’un expressionnisme pop auquel Barnabas cède goulument le temps d’un combat comico-érotique, pour mieux faire demi-tour une fois l’acte consommé et l’appartement ravagé.

La famille est une histoire de sang. Et quoi de mieux que le vampire pour la soutenir, figure qu’étrangement, on n’avait pas encore rencontrée, à l’exception de Bela Lugosi expatrié des Carpates vers la banlieue de L.A. (Ed Wood, 1994), dans le bestiaire burtonien pourtant déjà riche en freaks et animaux en tout genre, où le monstre n’est jamais celui que l’on croit. Burton cèderait-il là aux appels de la canine acérée, très tendance depuis que Kristen Stewart s’est laissée croquer par Robert Pattinson ? Le triomphe de la saga Twilight n’a pourtant nullement vampirisé l’imagination du cinéaste. Par-delà le projet de vengeance, archétype du scénario américain, ce personnage est en effet l’incarnation idéale de thèmes majeurs qui épaississent son cinéma : la famille donc, l’amour romantique qui nimbe ses longs-métrages depuis plus de dix ans et sécrète la douleur de la perte, et la critique du capitalisme.

 

Collinswood ou l’histoire de l’Amérique

 

Si les films burtoniens plaisent tant, c’est parce que leur exploration imaginaire de mondes fantasques et/ou passés nous parlent finalement toujours d’aujourd’hui. En injectant du sang neuf au feuilleton télévisé créé par Dan Curtis ici adapté, diffusé avec succès outre-Atlantique à la fin des années 60, mais méconnu en France, Dark Shadows rejoue, comme bon nombre de grands films américains, l’histoire des États-Unis. Le film débute avec l’arrivée des colons Collins anglais, dont l’industrie de pêche donne vie à un territoire vierge qui devient Collinswood, métaphore de l’Amérique fondée par le self-made man que glorifiait déjà le paternel d’Edward autour d’une autre fameuse scène de repas domestique. Ce film, comme déjà Pee-Wee (1985), dénonçait intrinsèquement les dérives grégaires du capitalisme tout-puissant, et posait les jalons d’une vision du monde confrontant la conformité à l’individualité.

A son réveil, Barnabas reprend le business familial en main, qui part à vau-l’eau. Ironie du sort pour une industrie piscicole… Car la ville est désormais entre les mains d’une famille concurrente, les Bouchard. Ou plutôt la Bouchard, immortelle Angélique dont le clan se limite à ses propres portraits ancestraux qui ornent sa salle de réunion. Érotique, le combat qui oppose Barnabas à l’ancienne servante éconduite devenue une redoutable femme d’affaires, se transforme en bataille politique. Il s’achèvera sur une lutte sans merci où tout sera détruit, y compris le manoir empruntant ses arabesques gothiques à la demeure où est né Edward, usine à rêves réduite à néant par les dérives nababs du pouvoir.

Et dans cette guerre, il faut détruire l’autre pour le posséder. Du Mr Verdoux de Chaplin à l’Éric de Don DeLillo/Cronenberg en passant par le Patrick Bateman de Bret Easton Ellis, le capitalisme engendre des monstres cruels dans l’imaginaire américain. Notre vampire n’échappe pas à la règle : il suce sans remord le sang des hippies, s’abreuvant des grands enfants de sa patrie qui, pendant qu’ils chantent l’amour autour du feu, restent improductifs. On mangeait déjà les figurants dans Sweeney Todd, autant pour assouvir la soif de vengeance sanguinaire du barbier qu’alimenter le business de Mrs. Lovett, celui des tourtes fourrées à la viande humaine.

 

La course au culte

 

Le film délaisse toutefois le gore terrifiant pour un comique dandy de mœurs, confrontant les us et coutumes du dix-huitième siècle à ceux des années 1970. Le procédé, cocasse, est simple et efficace, et sied au cinéma du clash de Burton dont les étincelles ravissent les grands gamins que nous sommes. Mais une fois installés ses thèmes et dispositifs narratifs, Dark Shadows peine à les amener à terme. Le nombre (trop ?) important de personnages et intrigues secondaires est délaissé au profit du déploiement d’effets numériques de plus en plus grandiloquents qui glissent vers la nausée insipide d’Alice et Charlie. C’est justement l’enfant qui souffre le plus de cet attrait envers le clinquant. Le scénario ne parvient jamais à donner consistance à l’ado (Chloe Moretz) et ne lui offre qu’un rôle in extremis et trop absurde dans l’assaut final, histoire de confirmer la monstruosité de rigueur de chacun des Collins ; quant au petit garçon, il n’existe que pour glisser le thème de la perte des parents. Le cinéaste convertit ces rôles à peine ébauchés en figurines obligatoires qui, narrativement nulles, rassasient là non plus le style, mais le label Burton.

La typologie des personnages burtoniens se transforme peu à peu en culte imposé. Peut-être est-ce là la faille. Il n’y a qu’à regarder les affiches des derniers films, objets marketings déclinés à l’effigie de chacun des protagonistes. Mais le culte ne s'oblige pas et naît de la ferveur du public. A trop vouloir prescrire ses figurines, Burton prend le risque qu’elles ne se brisent comme des coquilles vides, telle Angélique fissurée dans la mort sous le lustre extravagant d’un château qui s’écroule.

 

Estelle Bayon

 

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