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26.02.24

Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet

Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...

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Le Locataire Roman Polanski

Le Locataire - Elle et l’huis clos (3/3)
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Film : Le Locataire

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Réalisateur : Roman Polanski

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Film : Répulsion

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Réalisateur : Roman Polanski

Auteur : Youri Deschamps

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Analyse de séquence : L'Honneur des Prizzi  

L'Honneur des Prizzi
(John Huston, 1985)

A chacun sa croix

par Valentin Noël le 21.01.11

L’Honneur des Prizzi (1985) est le dernier grand film de John Huston, « pendant moderne du Faucon maltais (1941), dont il possède, d’après le Larousse des films édition 1994, le cynisme nonchalant, l’humour pince sans rire et la complexité ». Kathleen Turner et Jack Nicholson y incarnent Irene et Charley, un couple de tueurs professionnels profondément amoureux l’un de l’autre. Dans cette séquence qui précède de peu le dénouement, Charley est convoqué dans le bureau de Don Corrado Prizzi, le parrain de la famille mafieuse pour laquelle il travaille depuis sa naissance. Angelo Partanna (le père de Charley) et Eduardo Prizzi (le fils du parrain) sont également présents dans le bureau. Ce que les trois hommes vont demander à Charley durant cette entrevue est le plus lourd des sacrifices : prendre le contrôle de l’organisation et supprimer Irene, devenue embarrassante pour l’ensemble de la famille.

Dès le premier plan de cette séquence, la mise en scène de Huston divise clairement le petit groupe en deux parties antagonistes : Charley d’un côté, le reste du clan Prizzi de l’autre. Nicholson occupe en effet la partie gauche du cadre, tandis que ses trois interlocuteurs sont regroupés sur la droite [01]. L’opposition est d’autant plus marquée que Charley est le seul personnage à se tenir debout, qui plus est derrière le fauteuil qu’on lui a préparé. On peut interpréter ce plan comme la métaphore d’une audience divine : Charley est à la barre, et dépose face à la Sainte Trinité un témoignage en faveur d’Irene ; Dieu le Père est au centre (Don Prizzi), encadré par son fils (qui au moment du jugement viendra se placer à sa droite…) et par le Saint Esprit (Angelo, l’ami et conseiller de toujours).

Eduardo, la première personne à qui s’adresse Charley, ne lui prête qu’une oreille distraite, et se contente d’attendre patiemment qu’il se taise pour pouvoir parler à son tour [02]. Avant de prendre la parole, il va toutefois se lever et se placer devant Angelo (à la droite de « Dieu ») [03], à seule fin qu’il ne subsiste aucun doute dans l’esprit de Charley : il ne doit pas s’attendre à trouver le moindre soutien, pas même auprès de son propre père. De l’avis général, l’unique chemin pour Charley consiste en effet à « expier ses pêchers », comme le dira explicitement Don Prizzi dans une réplique à venir. Pour l’instant en tous cas, c’est la croix catholique que dessinent les montants de la fenêtre derrière Angelo qui se charge d’exprimer la dimension sacrificielle du personnage de Nicholson [03].

Le contrechamp sur Charley achève de révéler le déséquilibre des forces en présence : c’est à la fois le regard du ciel qui s’abat sur lui, et aussi, d’une façon plus terre à terre, celui de l’instance paternelle [04]. Nicholson, qui a fini par s’asseoir (son fauteuil est plus petit et moins « confortable » que les trois autres), fait effectivement penser à un petit garçon que l’on aurait puni pour sa désobéissance. On remarque par ailleurs, toujours dans ce contrechamp sur Nicholson, que ce dernier est surcadré par l’armature de son fauteuil (on pourrait dire « recadré », au sens de « remis dans le droit chemin »). Il faut surtout noter qu’il est associé dans le cadre à une lampe en forme de sculpture, sculpture représentant une femme dénudée. Le choix qui s’offre à Charley est donc inscrit visuellement dans le plan : ou bien il campe sur sa position et reste auprès de la femme qu’il aime, ou bien il tire un trait sur son amour et se range du côté de l’organisation. Le montage en « champs sur la famille, contrechamps sur Nicholson et la statue », se montre alors parfaitement explicite du questionnement intérieur du personnage.

Une chose est sûre, ce n’est définitivement pas de son père que Charley doit espérer une prise de position qui lui soit favorable : Angelo, en réponse aux regards de son fils, semble ne pas avoir d’autre choix que d’interroger le parrain, en tournant les yeux vers lui [05] [06]. C’est donc ce dernier qui va expliquer posément à Charley tout ce qu’il ne voulait pas entendre, à commencer par le devoir qui lui incombe de tuer sa femme, qui menace la sécurité de la famille [07]. Quelques secondes plus tard, en sa qualité de bras droit, Angelo réexpliquera à son fils, qui visiblement n’a pas compris, la décision du parrain : mêmes arguments, mêmes gestes, même point de vue ; seule l’énonciation change [08]. A ce stade, il faut comprendre que le père de Charley a tout simplement perdu son individualité : ce n’est guère qu’au nom de « l’entité Prizzi » qu’il prend part au débat.

Un débat qui tourne court : le parrain se lève de son fauteuil pour signifier à quel point la situation est exceptionnelle [09], et rencontre un Nicholson d’abord médusé [10] puis revendicatif [11]. A sa tentative de rébellion répond l’agressivité soudaine du parrain, qui révèle enfin son vrai visage [12]. A cet instant, Charley n’a en fait plus d’autre choix que de se préparer au sacrifice qui l’attend. En se retirant dans le fond de la pièce pour réfléchir, il croise justement un nouveau crucifix [13] [14]

Lorsqu’il annonce avoir choisi la famille au prix de son couple, il voit son père revenir instantanément vers lui pour lui témoigner sa fierté. Le plan réunit alors père et fils face à face, comme si Charley regardait dans les yeux son propre reflet vieilli, ou comme si Angelo n’était autre qu’une projection du destin qui l’attend [15]. En choisissant la famille, Charley ne sait en effet que trop bien à quoi il s’engage : « je ne veux pas finir comme vous, seul avec mon fric et mes gorilles pour me tenir compagnie », avouait-il quelques instants plutôt, alors qu’il était en proie à la colère. L’accolade paternelle [16] peut dès lors être perçue de trois façons différentes : comme un geste compatissant, ou bien comme un trait d’union entre les deux hommes (la réhabilitation du lien filial), à moins qu’il ne faille y voir un trait tiré sur le passé, le bras d’Angelo recouvrant les draps rouges du lit (ce qui pourrait symboliser l’amour perdu de Charley).

A présent que tout est rentré dans l’ordre, il ne reste donc plus qu’a conclure la séquence : dans un plan réunissant enfin Nicholson et les trois autres mafiosi qui semblent plus que jamais ne faire qu’un [17], Charley prouve son dévouement à l’organisation en téléphonant à Irene pour lui tendre un piège [18]. Le sacrifice est accompli.

Valentin Noël

 

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