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Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet
Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...
Lire la suite25.09.23
Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps
Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée.
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Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER
John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...
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19.04.12
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Film : Répulsion
Elle et l’huis clos (1/3)
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Lire l'articleAnalyse de séquence : La Horde sauvage
La Horde sauvage
(Sam Peckinpah, 1969)
Célèbre pour sa violence, La Horde sauvage l’est aussi pour le procédé à travers lequel celle-ci est mise en scène, le ralenti. On peut y voir une certaine fascination du cinéaste pour la violence, malgré ses dénégations. Mais cela ne suffit pas. Le film de Sam Peckinpah, c’est le portrait d’un groupe de hors-la-loi que le temps qui passe, le cours de l’Histoire, est en train de reléguer au rayon des vieilleries et de transformer en chair à récits sur la conquête de l’Ouest. N’oublions pas que le film se situe en 1913 : le cinéma existe déjà et le premier western a même déjà été tourné (Le vol du rapide, en 1903). Dilater le temps de la mort est alors un moyen de retenir ces hommes encore un moment, de ralentir leur disparition. Mais, et c’est plus rarement souligné, Peckinpah n’utilise pas que le ralenti pour cela. Il le mêle à un art consommé du montage alterné, pour des enchaînements de plans parfois quasi-subliminaux où les morts s’emmêlent les unes aux autres. Une science de la confusion qui tend à figer dans le temps et l’espace les corps qui tombent, dans un genre de poésie morbide.
Ouverture
Première dissection avec la fusillade d’ouverture dans les rues de San Rafael. Elle se décompose en trois moments. A l’intérieur de la banque [01], les bandits repèrent les mercenaires sur les toits [02]. A l’extérieur, une ligue anti-alcoolique entame une procession, avec chant et fanfare [03]. La musique emplit l’air en totale contradiction avec l’inquiétude qui monte dans la banque. La séquence s’éternise dans l’indécision, alimentant une tension de moins en moins supportable. Comme une bulle qui gonfle en approchant du point de rupture Et c’est le deuxième temps : l’éclatement de la bulle. Un employé de banque est jeté dehors par Pike [04] (William Holden), qui fait ensuite exploser toutes les vitres à coup de fusil [05].
Arrive le troisième temps, la fusillade proprement dite, ses ralentis, ses montages alternés.
Un chasseur de prime tombe d’un toit. La chute dure cinq plans, alternés avec d’autres actions: 1/ il est touché ; 2/ il bascule en avant ; 3/ il tombe dans le vide ; 4/ idem ; 5/: il touche terre. Le corps semble littéralement suspendu en l’air. Entre les plans 3 et 4 et les plans 4 et 5, Peckinpah a glissé des images d’un deuxième chasseur de prime abattu. Celui-ci s’écroule, définitivement, en restant sur le toit, après le plan 5.
Même principe avec deux bandits à cheval. Dans la vitesse du montage, chaque plan de l’une des actions paraît raccord avec celui de l’autre. On obtient alors, en neuf plans, une scène qui se dédouble :
Plan 1 : le premier cavalier tombe contre une vitrine [06].
Plan 2 : idem, mais vu de l’intérieur du magasin [07].
Plan 3 : un chasseur de prime tire [08].
Plan 4 : le deuxième cavalier est touché [09].
Plan 5 : le premier cavalier traverse la vitrine vue de l’intérieur [10].
Plan 6 : le deuxième cavalier s’écroule [11].
Plan 7 : le premier cavalier s’écroule un peu plus, vu de l’intérieur du magasin [12].
Plan 8 : le deuxième cavalier touche terre et roule par terre dans la poussière [13].
Plan 9 : le premier cavalier touche terre et roule par terre dans les débris de verre et les robes en exposition [14].
Les robes dans lesquelles s’emmêlent le premier cavalier produisent même un effet visuel proche de celui du nuage de poussière soulevé par le deuxième. Le dédoublement de l’action dilate encore un peu plus le temps.
Ensuite, le cheval de Dutch (Ernest Borgnine) est abattu. Le tireur est lui-même tué par Lyle. Dutch tombe alors en trois plans alternés avec trois plans du tireur qui bascule en arrière.
Notons encore deux autres procédés. Un gangster est éjecté de sa selle, le pied pris dans l’étrier. Traîné par son cheval, il a encore la sacoche pleine d’or à l’épaule. Un autre bandit arrive au galop derrière et la récupère. Le premier se dégage, se redresse. Et deux coups de feu semblent clouer son corps sur place. Il tourne sur lui-même au ralenti avant de s’écrouler comme un pantin. On aura le même effet de fixation dans le temps et l’espace avec l’exécution de Mapache à Agua Verde.
Ensuite, resté dans la banque, le jeune Crazy Lee force les clients à chanter. Ils reprennent en chœur l’air de la procession du début, rejouant ainsi une scène interrompue plus tôt. Et elle durera longtemps. Bien après que la horde aura quitté la ville, Sam Peckinpah reviendra à Crazy Lee, toujours en train de chanter et de diriger un pastiche de la procession. La scène prend fin comme la première fois : par un massacre. Les coups de feu alertent les chasseurs de prime. Une fusillade reprend entre eux et Crazy Lee. Celui-ci est abattu, les autres discutent. Mais Crazy Lee n’est pas encore mort, se reprend, tue trois hommes, est à nouveau criblé de balles et meurt enfin. Ainsi, la fusillade initiale de La Horde sauvage n’en finit pas de finir, comme une onde de choc sur l’ensemble du film. La dernière tuerie, anthologique, n’en sera finalement que le dernier résidu.
La dernière fusillade
La dernière fusillade amplifie en effet au-delà des limites du lisible ce qui a été dit précédemment sur les effets de montage alterné, de ralentis, de dédoublements de scène et de confusion. Jusqu’à l’abstraction de la mort des quatre membres de la horde.
Le général Mapache a besoin de cinq plans pour tomber, entrecoupés d’images sur la horde et des soldats. Les montages alternés (systématiquement au ralenti) vont ensuite s’accumuler et se complexifier.
La chute d’un soldat mitraillé par Tector Gorch (Ben Johnson), se mêle ainsi à trois autres actions. Ce qui donne : plan 1 du soldat qui tombe ; plan sur des troupes qui arrivent ; plan de Tector qui réoriente la mitrailleuse ; contrechamp sur les troupes ; plan 2 du soldat ; plan de soldats fauchés par Tector ; plan 3 ; plan sur Tector ; plan sur les soldats ; plan 4 ; plan sur les soldats ; plan 5 ; plan général sur d’autres troupes ; plan sur Dutch qui leur lance une grenade. Ainsi, Tector est passé à d’autres attaques, mais la caméra n’a de cesse de revenir à la conséquence de son premier tir. Avec l’intervention de Dutch, non seulement la confusion commence, puisque, dans le feu de l’action (sic), on peut facilement prendre les troupes qu’ils visent avec celles mitraillées par Tector, mais aussi un effet de prolongation des scènes, par l’enchaînement de champs qui ne vont pas avec les contrechamps qui suivent mais avec ceux d’après.
La grenade de Dutch inaugure un second montage alterné : plan 1/ Dutch lance sa grenade [15] ; plan 2/ contrechamp sur les troupes visées [16] ; plan 3/ Tector mitraille [17] ; plan 4/ contrechamp sur un soldat mitraillé [18]. Ces quatre situations de base vont se mélanger ainsi :
Plan 5/ les troupes commencent à sauter. [19]Plan 6/ le soldat part en arrière. [20]Plan 7/ les troupes et la fumée qui monte. [21]Plan 8/ le soldat. [22]Plan 9/ les troupes s’écroulent. [23]Plan 10/ le soldat tombe en avant. [24]Plan 11/ Tector tire. [25]Plan 12/ le soldat continue de tomber. [26]Plan 13/ Dutch lance une deuxième grenade. [27]Plan 14/ le soldat s’abat définitivement sur un tas de cadavres. [28]
Le soldat visé par Tector aura mis six plans pour tomber, les troupes quatre. La deuxième attaque à la grenade laisse deviner que tout va recommencer. Ce qui se passe avec l’alternance de plans de troupes encore soufflées par une grenade et deux plans d’enfants apeurés.
Le paroxysme est atteint avec la mort des quatre bandits. Lyle et Tector meurent en un total de neuf plans, Pike en dix et Dutch en six.
Plan 1/ un soldat tire.
Plan 2 (contrechamp)/Lyle est touché.
Plan 3/ Lyle recule sous l’impact de la balle et lâche la mitrailleuse.
Plan 4/ visage effaré de Pike.
Plan 5/ un soldat tire.
Plan 6 (contrechamp)/ Tector est touché.
Plan 7/ Lyle se tord.
Plan 8/ un soldat tire.
Plan 9/ Pike se lève.
Plan 10/ de nouvelles troupes arrivent.
Plan 11 et 12/ deux soldats tirent.
Plan 13/ Lyle et Tector se tordent dans le même plan.
Plan 14/ Pike tire.
Plan 15/ des troupes arrivent.
Plan 16/ Pike s’empare de la mitrailleuse.
Plan 17/ gros plan sur le profil de Pike.
Suit une série de champs/contrechamps reprenant les plans 15 et 17. La caméra revient à Tector. Encore les plans 15 et 17. Puis Tector, Pike (plan 17), Tector, Pike et Lyle qui s’écroulent. Pour ces cinq derniers plans, Peckinpah a supprimé les contrechamps sur les tireurs mexicains, et même tous les tirs (Pike est en gros plan, on ne voit pas la mitrailleuse). La mort s’éternise tellement que sa cause finit par ne plus être visible ; la séquence fonctionne sur sa lancée.
Enfin, c’est au tour de Pike et Dutch.
Plan 1/ un enfant tire.
Plan 2/ Pike est touché.
Plan 3/ un soldat tire du toit, en contre-plongée (diagonale de gauche à droite), panoramique sur un autre dans la même attitude (diagonale de droite à gauche).
Plan 4 (contrechamp)/ Pike pris entre ces tirs croisés.
Plan 5/ Dutch surgit au premier plan, Pike tombe à l’arrière-plan.
Plan 6/ un Mexicain sort de l’ombre et tire.
Plan 7/ Dutch est touché, Pike toujours dans le plan.
Plan 8/ contrechamp sur le Mexicain.
Plan 9/ idem plan 7.
Plan 10/ Pike agrippant encore la mitrailleuse.
Plan 11/ Dutch commence à tomber.
Plan 12/ Pike pique du nez.
Plan 13/ Dutch s’effondre, Pike à l’arrière-plan.
Plan 14/ La tête de Pike disparaît derrière son bras; il tient toujours la mitrailleuse.
Plan 15/ Dutch à terre.
Plan 16/ idem plan 14.
Plan 17/ Dutch allongé, tête en arrière. La caméra attend qu’il ne bouge plus et qu’on ne voit plus ses yeux.
Plan 18/ l’enfant qui a tiré sur Pike.
A partir du plan 10, il n’y a plus de contrechamps sur les divers tireurs, comme pour les frères Gorch. Surtout, la dilatation vient des quatre plans identiques de Pike (10, 12, 14,16). Enfin, toute cette séquence commence et finit sur l’image du gamin qui tire sur Pike. Autrement dit, sa présence est également étirée dans le temps. Et l’image d’un enfant, en uniforme et armé d’un fusil, parle d’elle-même : tout ne va pas s’arrêter à la mort de ces quatre hommes. La relève est là pour perpétuer la violence et la folie des hommes, de générations en générations et jusqu’à la fin des temps...
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