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26.02.24

Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet

Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...

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Le Locataire Roman Polanski

Le Locataire - Elle et l’huis clos (3/3)
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Revoir : Quarante tueurs  

Quarante tueurs
(Samuel Fuller, 1957)

Le chant du cygne

par Arnaud Devillard le 28.12.10

La chanson « Woman with a Whip » surgit trois fois dans Forty guns. La première lors d'une scène aux bains publics, la deuxième pendant un enterrement et la troisième à la fin du film, dans le bureau du shérif. Soit, dans les trois cas, des lieux et des moments anti-héroïques, voire triviaux, concernant les bains publics et leurs cow-boys empotés plongés dans des baquets pleins de mousse.

Autre constante, le rapport ambigu qu'entretient la chanson avec la diégèse. Les premières mesures sonnent à chaque fois comme extra-diégétique, mettant la scène comme entre parenthèses, commentée de l'extérieur par la bande-son. Or, dans les trois cas, un lent mouvement d'appareil finit par nous dévoiler, dans la scène, le chanteur. La chanson appartient bien à l'espace-temps du film.

Pour la scène des bains, la caméra commence par remonter le sentier qui y mène. C'est sur ce trajet que le chanteur apparaît dans le cadre, accompagné par un guitariste adossé à la palissade. Le fait mérite d'être mentionné : si le chanteur marche depuis la ville, le guitariste est à la même place depuis le début. D'où l'impression que le guitariste accompagne le chanteur à distance. Comme si, dans le film-même, ils maîtrisaient un espace-temps qui transcende le film.

Pour l'enterrement de Wes, c'est un lent panoramique de droite à gauche qui part de Louvenia, pour dévoiler une nouvelle fois le chanteur, en habit de deuil lui-aussi, à côté du corbillard. On entend bien une guitare en accompagnement, mais on ne la voit pas. Qu'elle soit présente, hors-champ, ou non, on ne le saura pas et l'effet est le même : diégèse et extra-diégèse sont difficiles à démêler.

Enfin, après le duel final, la chanson accompagne Griff Bonnell qui traverse la rue pour entrer dans le bureau du shérif occupé par son autre frère, Chico. C'est en suivant le héros qu'elle révèle alors, au fond du plan, par la porte ouverte du bureau, le chanteur et sa guitare. 

Comme lors des autres apparitions, il n'existe absolument aucune interaction entre le chanteur et les autres personnages. Avant The Man who Shot Liberty Valance (1962), avant C'era una volta il West (1968), avant les westerns de Sam Peckinpah, Forty Guns nous dit, via ce chanteur, que les aventuriers, les bandes de hors-la-loi ou les pistoleros sont en train de devenir matière à légende, à récit, à chanson. Ce dont Griff a bien conscience, qui ne veut pas que son jeune frère Wes suive ses traces : son mode de vie est dépassé, lui explique-t-il, des gens comme lui n'auront bientôt plus leur place. « I'm a freak », résume-t-il. Un phénomène de foire. Dont on ne fera plus que raconter les exploits.

Au fil de ses trois apparitions, le chanteur gagne en importance dans le plan. Aux bains, il est d'abord noyé dans la masse et impose que la caméra aille le chercher. Puis il est l'un des deux seuls personnages à l'enterrement, occupant une place symétrique à la veuve par rapport au corbillard. Mais la caméra a encore dû aller le chercher, le panoramique fait l'aller et retour entre la femme et lui. En revanche, dans le bureau du shérif, on le voit aussitôt, de loin, mais bien en évidence dans l'encadrement de la porte. Puis on le retrouve au premier plan, assis sur un bureau, qui plus est en surplomb de Chico. Dernier détail, il s'accompagne lui-même. Quand certains ne veulent plus utiliser leurs colts (Griff n'avait pas tiré au revolver depuis dix ans), d'autres se mettent à la guitare.

Dans ce contexte, le chanteur tient finalement le même rôle que le journaliste d'Impitoyable, de Clint Eastwood. Assistant et participant aux événements, il rapporte en les mythifiant des actes qui sont les derniers du genre. Le rôle de l'écrit dans la diffusion de ces légendes est d'ailleurs évoqué dans le film de Fuller. Cherchant à échapper à une embuscade, Griff s'adosse à un mur où est ostensiblement fixée une pancarte indiquant une imprimerie (« printings »). Autant d'idées reprises de façon beaucoup plus évidente par John Ford dans The Man who Shot Liberty Valance (un des personnages principaux est journaliste, son bureau est saccagé par les bandits, plusieurs scènes sont vues depuis l'intérieur de l'imprimerie). Et encore plus tard, par Sam Peckinpah, pour la séquence-générique de The Wild Bunch (1969), quand la bande est saisie pour un arrêt sur image devant l'enseigne d'une imprimerie.

Dans Forty Guns, les « Dragons » de Jessica Drummond (Barbara Stanwyck), qui font régner la terreur et leur loi dans la région, apparaissent également comme les jouets d'une mise en scène. La séquence d'ouverture nous les présente en pleine chevauchée sauvage. Vision mythifiée vite contredite par les choix de cadrage. Au lieu de les suivre, en travelling latéral par exemple, ou par des plans de grue qui amplifieraient le mouvement de la course, la caméra est placée devant eux, à leur hauteur. Jessica, à la tête de ses quarante voleurs, ne fait donc que suivre la caméra (certainement fixée sur un camion). On lui dicte sa course.

Les bains relèvent du même propos. Séparés de la ville par une palissade de bois, cet espace prend l'allure d'un envers du décor, où les acteurs posent leurs costume à l'écart d'un plateau de tournage cerné de fausses façades.

La scène de l'enterrement où est présent le chanteur, prend alors tout son sens : il s'agit bien sûr de l'enterrement d'une époque. Et, trente-cinq ans avant que Clint Eastwood ne se recueille sur une tombe à la toute fin d'Unforgiven, celui d'un genre.

Arnaud Devillard

 

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