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26.02.24

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Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...

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Critique : Super 8  

Super 8
(J.J. Abrams, 2011)

Golden Eighties

par Michaël Delavaud le 10.08.11

Sur le papier, Super 8 promettait un blockbuster de qualité supérieure : l'association d'un auteur aussi éclectique que mondialement renommé (S. Spielberg, producteur) avec l'un des générateurs de la richesse de la production télévisée américaine contemporaine (J. J. Abrams, réalisateur) était d'ores et déjà alléchante. De même que l'histoire du film, aux potentialités trans-génériques attrayantes : un groupe de jeunes adolescents tournant un film de zombies amateur assiste au déraillement d'un train transportant une "chose" étrange qui, une fois libre et pourchassée par une armée américaine fascisante, sème le chaos et la destruction...  

Bonne nouvelle : Super 8, film spectaculaire, émouvant, tendre, fédérateur, bien écrit, ni idiot ni racoleur, ne déçoit pas du tout... Si tant est, bien sûr, que l'on apprécie les qualités des pop corn movies de Spielberg. Car effectivement, le très plaisant nouveau film de J. J. Abrams semble avoir pour seule ambition de pasticher le versantentertainment du cinéma de son producteur adulé. D'où l'aspect par moments un peu vieillot de Super 8, peinant à sortir des carcans et conventions d'un cinéma aujourd'hui daté. Mais Abrams a-t-il jamais voulu se libérer de ces lieux communs spielbergiens ? Pas si sûr, le réalisateur semblant utiliser le cinéma, et ceci depuis son premier long-métrage, comme un véhicule lui permettant de revisiter les ruines sur lesquelles s'est construite son inspiration. De fait, Super 8 s'inscrit pleinement dans la carrière de son metteur en scène, ainsi que dans un cinéma contemporain très inspiré par une certaine forme de retour aux sources. Ou quand la nostalgie se fait modernité.

 

Une mythologie télévisuelle

 

La carrière cinématographique de J. J. Abrams, composée aujourd'hui de trois films, est entièrement fondée sur sa propre mythologie, essentiellement télévisuelle. Son premier long-métrage (qui est aussi son meilleur), Mission : Impossible III (2006), en était la preuve indéniable. Lors des deux premiers volets de la franchise, Brian De Palma (1996) et John Woo (2000) avaient modelé le matériau télévisuel à leur propre système formel hautement cinématographique (mise en doute de l'image pour le premier, action frénétique et ultra-formalisme chorégraphié pour le second). Abrams, lui, choisit d'assumer l'héritage télévisuel de la franchise, appliquant cependant au modèle des années 60-70 les codes des séries d'action des années 2000, soulignant ainsi la parenté existant entre la série-mère Mission : Impossible et ses enfants que sont 24 Heures Chrono ou Alias, cette dernière ayant été créée par J. J. Abrams lui-même ! En réalisant son Mission : Impossible III, réactualisant la série originelle plus que ne le faisaient les deux autres cinéastes dans les précédents volets, Abrams revendiquait clairement ses références et théorisait la porosité formelle, de plus en plus patente, entre cinéma et télévision.

Le projet Star Trek (2009), prequel de la série du même nom (diffusée à partir de 1966, c'est-à-dire la même année que la première diffusion de Mission : Impossible !), tentative de modernisation d'une entreprise tombée en désuétude, était plus direct dans ses intentions : redonner son lustre à un mythe obsolète aux idoles déchues, le réinitialiser comme on rebouterait un ordinateur. D'où l'hypothèse d'une mythologie post-moderne d'ordre cybernétique, que l'on peut effacer et refaire, modelable à l'envi.

 

Le musée Spielberg 

 

Réactualiser ses mythes n'est pas le propos d'Abrams pour Super 8, qui ne cherche qu'à rendre hommage au cinéma fondateur de Spielberg en en dupliquant le style. Le mythe originel n'est plus télévisuel mais cinématographique, bien que le réalisateur deDuel (1971) ait commencé sa carrière sur le petit écran et qu'il ait su astucieusement se servir de ce dernier à son avantage (lire à ce propos les pages consacrées à la stratégie promotionnelle concernant Les Dents de la Mer [Jaws, 1975] dans Le Nouvel Hollywood de Peter Biskind). Ce décalque de fan transi est peut-être moins ambitieux que les deux reboots précédents, il fournit peut-être moins d'enjeux forts, mais il est indéniable que le cinéma de J. J. Abrams, auparavant taxé d'arrogance (sans doute à raison), y gagne en humilité. Super 8 est une visite dans le musée de cire des quatre décennies du divertissement spielbergien, appliquant à la lettre les conventions du barbu à casquette : rapport problématique à un Autre monstrueux (ici une bête de mauvais poil cousine des aliens et des dinosaures de Spielberg), monde désordonné observé du point de vue de l'enfance, cellule familiale éclatée et/ou en crise... Ainsi qu'une poésie au symbolisme appuyé, aussi émouvante que confondante de naïveté (la scène finale du château d'eau).

Quatre films de Spielberg sont particulièrement convoqués dans Super 8, de façon plus ou moins appuyée. Rencontres du Troisième Type (Close Encounters of the Third Kind [1977]) et E. T. (1982), les deux influences les plus flagrantes, inspirent au film d'Abrams cette ambiance de conte nocturne, entre féérie à la Disney et magie noire à la Stephen King. L’action est rapatriée dans les suburbs de l'Amérique profonde chers à Spielberg, filmés avec un réalisme aux antipodes de l'expressionnisme critique d'un Tim Burton. Cette douceur du portrait suburbain donne à Super 8 ses plus jolies séquences.

En filmant le réel dans sa plus parfaite normalité, on souligne ainsi le chaos engendré par sa destruction : c'est le versant Guerre des Mondes (War of the Worlds [2005]) du film d'Abrams (bien que ce dernier ait soustrait toute la noirceur et l'ambiguïté politique de l'oeuvre de Spielberg). C'est bien ce que montre Super 8 : la guerre entre un monstre en colère et une armée américaine inconséquente et arbitraire détruisant tout sur son passage (le lieu du déraillement incendié au lance-flammes afin d'effacer toutes les traces de l'accident). La guerre se retourne contre l'humain au moment où l'ennemi prend le contrôle de ses armes ; c'est le propos de la scène de destruction de la petite ville où les chars américains, devenus fous, envoient leurs munitions sur les civils et leurs habitations. C'est en cela que Super 8 emprunte à la Guerre des Mondes : par sa mise en scène du chaos. Le temps de cette séquence de destruction, Abrams parviendrait presque à se transformer en petit Joe Dante, comparse de Spielberg et metteur en scène majeur dont le cinéma terroriste en fait en quelque sorte le double maléfique du réalisateur des Indiana Jones.

Le dernier film spielbergien convoqué par Abrams est bien sûr Jurassic Park (1993), dont Super 8 refait presque à l'identique certaines séquences (l'attaque du bus chez Abrams décalquant celle du 4x4 par le tyrannosaure dans le Jurassic Park ; la mèche de l'enfant soulevée par le souffle de l'animal dans sa grotte...). De même, Les Goonies(The Goonies [1985]), film de Richard Donner produit par Spielberg, est référencé de manière flagrante par Abrams, comme dans la séquence de l'escapade dans l'antre souterrain de la bête, voyage épique et dangereux qui transforme les jeunes ados aventuriers en néo-Goonies. Les enfants chez Abrams ressemblent même physiquement, de manière assez troublante, aux enfants du film de Donner (par exemple, chacun des deux films comporte un garçon rondouillard, les deux personnages-stéréotypes se ressemblant comme deux gouttes d'eau d'un film à l'autre). Revenons à Jurassic Park, qui peut être considéré comme l'un des tout meilleurs films de son auteur, faisant preuve d'une intelligence et d'une lucidité rares ; Spielberg y définit frontalement, de par son dispositif spatial même, ce qu'est son cinéma de divertissement : un grand parc d'attractions destiné à provoquer des sensations fortes aux spectateurs qui voudraient y faire un tour. En rendant hommage au cinéma de son producteur, en visitant le musée Spielberg et en pastichant son travail, Abrams assume nécessairement le caractère forain de l'entertainer, et par extension, de Super 8. Preuve supplémentaire d'une humilité nouvelle et divertissement parfaitement huilé, le nouveau film d'Abrams est un super tour de grand huit.

 

L'enfance de l'art 

 

Cette révérence à la statue spielbergienne et aux eighties dont le réalisateur d'E. T.  fut incontestablement l'un des maîtres, au-delà de ses qualités, fait montre d'une vision de cinéma actuellement très en vogue et dont J. J. Abrams s'est fait l'un des fers de lance depuis son premier long-métrage, visant à idéaliser de façon nostalgique un temps révolu, phénix réduit en cendres et que certains réalisateurs cherchent à faire revivre : "l'enfance de l'art". Cet aspect-là de Super 8 passe bien sûr par les séquences de tournage amateur du groupe d'adolescents, un tournage fauché mais misant sur les incidents de tournage (joliment nommés par euphémisme "les plus-values de production" par le réalisateur en herbe) et regroupant de jeunes talents aussi cachés que prometteurs (Alice [Elle Fanning] s'avère une comédienne intense, Joe [Joel Courtney] est un maquilleur et un ingénieur d'effets spéciaux prodigieux...). Le court-métrage achevé et diffusé pendant le générique de fin de Super 8 est certes bancal, mais sa maladresse et son amateurisme sont évidemment touchants. "Béni soit le temps du cinéma fait de bric et de broc, sans moyens et inventif", semble hurler Abrams dans un film par ailleurs grassement financé par l'un des nababs d'Hollywood. Tout cela, évidemment, sent la pose à plein nez.

Si l'honnêteté d'Abrams est ici contestable, il est cependant intéressant de constater que Super 8 s'inscrit dans une tendance contemporaine où la nostalgie semble paradoxalement assez moderne. Certains cinéastes ont fait de "l'enfance de l'art" (construction de leur propre mythologie cinéphile ; premières expérimentations fauchées de tournage...) un âge d'or, et de cet âge d'or la matière même de leur cinéma : Tim Burton (ceci dès Frankenweenie [1984]) Quentin Tarantino, Robert Rodriguez (la bobine manquante et les images rayées de Planète Terreur [Planet Terror, 2007], simulation nostalgique des projections foireuses de doubles programmes de cinéma de quartier), Michel Gondry et son cinéma littéralement en carton (Soyez sympas, rembobinez [Be kind rewind, 2008], oeuvre-manifeste de cette mouvance)... Ou quand le potentiel d'un génie créatif du cinéma post-moderne (Tarantino, Burton) se transforme en cinéma degeek égotique (Rodriguez, Gondry), à deux doigts de virer dans le discours cinéphile réactionnaire. Au-delà de ses qualités intrinsèques, Super 8 est aussi intéressant sur ce point-là, symptomatique d'un certain cinéma recyclant aussi bien les mythes personnels que le temps en lui-même, faisant du passé un avenir possible.

 

 

Michaël Delavaud

 

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