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26.02.24

Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet

Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...

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Critique : Capitaine Achab  

Capitaine Achab
(Philippe Ramos, 2008)

C'est la mer, garçon

par Roland Carrée le 06.01.11

En prenant le parti de ne pas adapter fidèlement le Moby Dick d'Herman Melville, et d'inventer une jeunesse à son capitaine revanchard, c'est moins une introspection type starwarsienne sur les origines qu'une subtile réflexion sur l'enfance en fuite et la recherche de la mère que nous propose Philippe Ramos, dont Capitaine Achab est le deuxième long métrage. Partant de la naissance de son héros-titre, et s'arrêtant à sa mort (déjà imaginée par Melville), le film se conçoit comme une succession de chapitres, cinq en tout, et dont les deux derniers seulement relatent la vie adulte du capitaine. À charge donc pour les trois premiers, au travers des expériences – mort du père, vie maussade chez une tante embourgeoisée, fuite vers l'inconnu – vécues par Achab enfant, de laisser transparaître les prémices de ce qui le conduira plus tard à arpenter les eaux claires de la mer, à la recherche de la baleine blanche.

Mais Ramos ne cède pas à la facilité, et situe les débuts de son récit aux antipodes mêmes des lieux propres à l'univers marin : élevé en milieu campagnard, le jeune Achab (Virgil Leclaire) vit une existence morne et dont la mise en scène elle-même tend à transmettre le manque d'ouverture – voir la scène de la cabane, quand le père peu aimant (Jean-François Stévenin) oblige l'enfant à l'y attendre, tapi dans le noir, tandis qu'il part chasser. Cette idée se retrouve pour chacun des personnages du film, que Ramos choisit de nous présenter au moyen de plans en médaillons, dont l'utilisation redonne à ces êtres venus du passé le côté figé de leur histoire, et leur refuse une quelconque possibilité de sortie.

À ce titre, Capitaine Achab rejoint le récent film d'Andrew Dominik, L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (2006), non par une volonté de démythifier les héros (d'autres cinéastes l'ont déjà fait maintes fois), mais par celle de rendre aux images leur côté obsolète, et ce, par un moyen pourtant très simple : les enfermer dans une grande durée des plans. C'est ainsi que, au travers de la voix-off de Robert Ford commentant la vie de son idole, le personnage de Jesse James nous apparaissait à la fois bandit recherché mort ou vif et père de famille à l'existence rangée, figure mythique et simple amas de chair et d'os voué à la mort. C'est cette même voix-off qui recouvre toute la durée de Capitaine Achab, et qui, prononcée par les cinq personnages donnant leurs noms aux différents chapitres, s'emploie, par les descriptions minutieuses qu'elle donne du capitaine, à lui offrir une vie, de ce genre de vie constituée de choses infimes qui, mises bout à bout, construisent le grandiose. Sans doute la chapitre consacré à Anna (Dominique Blanc) est-il le plus significatif de ce point de vue : veuve, femme de la terre, elle recueille à son domicile le capitaine mutilé (Denis Lavant) qui vient d'échouer dans sa cour. Ses gestes d'amour, frisant le maternel, à l'égard du blessé rendent à Achab son côté humain, et laissent penser un moment qu'il ne songera plus à reprendre le large... Mais déjà la baleine (et la jambe du capitaine, dont les saignements réitèrent régulièrement) finit par le rappeler à elle. Anna est une femme, mais pas une mère, donc aucun regret de la quitter pour arpenter l'océan.

La mer pour retrouver la mère : finalement, la dominance de l'espace terrestre dans la première moitié du film ne sert qu'à souligner davantage cette nécessité de prendre le large, pour enfin permettre à Achab de trouver ce que les femmes de la terre n'auront jamais pu lui offrir – son besoin est un besoin d'ordre, disons, liquide. Le premier plan du film nous montre le corps nu et sans vie de la mère du capitaine, de suite recouvert d'un fin linceul : c'est ici que l'histoire a commencé, c'est donc ici qu'elle finira, et Achab, dans le dernier plan du film, pourra enfin fermer les yeux pour laisser à la caméra le soin de s'élever dans le ciel – belle métaphore de la mort comme envolée céleste, et non comme fatalité, ainsi que le suggérait John Huston en 1956, dans son adaptation peut-être trop fidèle du roman de Melville. Entretremps, l'un des plans les plus mémorables du film nous aura montré le capitaine, démesurément grand, surplombant l'océan, et se baissant pour s'emparer de la lumière blanche prodiguée par la baleine. À cet instant, Achab porte enfin son titre de capitaine, et redevient l'enfant qu'il n'avait jamais cessé d'être, sans cesse à la poursuite d'un bonheur dont la matérialisation concrète ne survient qu'à l'apparition du monstre blanc.

L'enfance a toujours été source d'inspiration de nombre de cinéastes, mais sans doute est-il préférable de ne pas comparer Capitaine Achab avec Les Contrebandiers de Moonfleet (Fritz Lang, 1955), malgré les possibles points communs entre les deux films : si c'est la recherche du père qui, chez Lang, motive la fuite du jeune héros, l'enfant Achab n'a que faire de cette figure paternelle qu'il reniera, et s'attachera à celle de la mère. Les plans larges du film n'apparaissent qu'une fois que l'enfant prend l'initiative de fuir le domicile suffocant de la tante – superbe scène où nous voyons la barque empruntée par le garçon dériver le long d'un fleuve, rappelant de suite la fuite des enfants dans La Nuit du chasseur (Charles Laughton, 1955), et la soudaine autonomisation de son jeune héros (ce film où rôde sans cesse la mort est sans doute plus proche de Capitaine Achab que l'est le film de Lang). Fuite de l'enfant, recherche du ventre et mort annoncée en eaux claires... Dans le chapitre consacré à la vie du jeune Achab chez le pasteur Mulligan (Carlo Brandt) qui l'a recueilli après sa fuite, nous pouvions voir l'enfant hurler à pleins poumons devant les eaux d'une mer déchaînée qu'il découvrait pour la première fois, tandis que, toujours en voix-off, résonnaient ces douces paroles du prêtre, possible figure paternelle qui laissera à son tour le jeune héros prendre le large pour ne jamais le quitter : « Cest la mer, garçon».

Roland Carrée

 

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