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26.02.24

Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet

Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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02.12.22

Éclipses n°71 : Invasion John CARPENTER

John CARPENTER a eu un jour pour son propre compte une formule qui raconte beaucoup, tant de son esprit que du statut particulier dont il a écopé : « En France, je suis un auteur. En Allemagne, je suis un cinéaste. En Grande-Bretagne, je suis un...

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Critique : The Proposition / La Route  

The Proposition / La Route
(John Hillcoat, 2009)

Crépuscules

par Michaël Delavaud le 07.01.11

John Hillcoat est un réalisateur australien quasi inconnu en France, furtivement aperçu vers la fin des années 80 pour un film carcéral de bonne réputation, Ghosts... of the Civil Dead (1988). Et soudainement, voilà que sortent coup sur coup ses deux derniers films, The Proposition, violent western tourné en 2005 dans l'outback, et La Route, adaptation américaine du roman de Cormac McCarthy.

Et de constater que brassant les mêmes thématiques et tractés par la même vision crépusculaire du monde, les deux films sont très voisins, mais également presque les négatifs l'un de l'autre : la mise en scène et l'ambition de ces oeuvres sont effectivement tout ce qu'il y a de plus opposé, ce qui creuse un étrange fossé qualitatif entre elles malgré leurs similarités. Les mettre en parallèle permettra peut-être de comprendre pourquoi La Route est un échec partiel alors que The Proposition est au contraire une franche réussite.

En bon Australien (rappelons-nous le George Miller des deux premiers Mad Max ou le Peter Weir première période), John Hillcoat sait filmer et dramatiser les grands espaces. Malgré son indéniable talent pictural, les grands espaces n'ont chez ce réalisateur aucune fonction décorative. Negatifs, hostiles, dangereux, ils servent à illustrer la fin d'un monde (le mythe d'un "Ouest" bien particulier puisqu'il est expurgé de toute américanité dans The Proposition), voire la fin du Monde (les impressionnants tableaux post-apocalyptiques de La Route). La sauvagerie du lieu est le contenant de celle des hommes qui l'habitent et ayant perdu tout sens moral ; à aucun moment l'immensité spatiale ne dissimule la déliquescence du monde qu'elle englobe, elle ne fait au contraire que la surligner.

Si ces grands espaces signifient le même pessimisme dans les deux oeuvres, Hillcoat les filme néanmoins d'une manière résolument opposée d'un film à l'autre, ou plutôt les éclaire de façon différente. Si le monde frigorifié de La Route baigne dans une semi pénombre oppressante, dans une pesante grisaille cendreuse, les paysages minéraux de l'Australie de The Proposition sont eux plongés dans une luminosité aveuglante, dans une clarté solaire, blanche, consumant tout sur son passage. Si l'on voulait tisser un lien entre les deux films, ne pourrait-on pas penser que cette lumière australienne écrasante et brûlante annonce l'obscurité, le désespoir cramé du paysage de La Route ? L'hostilité d'un lieu n'a-t-il pas engendré la destruction de l'autre ? Et par extension, la moralité douteuse de l'"Ouest" australien n'a-t-elle pas engendré une apocalypse terrible, engendrant elle-même plus encore de sauvagerie ? Lier les deux films de cette manière, même si cette dernière est un peu artificielle, permet de confirmer le véritable statut de moraliste désespéré de John Hillcoat.

Ce statut est également accrédité par les histoires traitées par les deux oeuvres de l'Australien. Car malgré leurs différences scénaristiques, génériques, formelles, The Proposition (un bandit accepte la proposition d'un "shérif" anglais consistant à sauver le fragile benjamin de sa fratrie de la pendaison en tuant son frère aîné, un assassin dégénéré) et La Route (un père et son fils arpentent un monde post-apocalyptique, luttant jour après jour pour leur survie) racontent peu ou prou la même chose : la tentative de sauvetage d'une certaine innocence et la préservation d'un lien filial au sein d'une impitoyable barbarie devenue générale. Mais comment ces personnages protecteurs pourraient-ils avoir la moindre chance de contrer la brutalité du monde ? Comment, dans The Proposition, Charlie Burns (Guy Pearce, sec comme un coup de trique) peut-il lutter contre la violence quasi institutionnelle d'un monde anarchisé, où les représentants de l'ordre sont eux-mêmes d'odieuses crapules, où même la justice est rendue de façon inique, arbitraire et brutale, comme le montre une terrible séquence de flagellation publique ? Comment, dans La Route, le père de famille (Viggo Mortensen, halluciné) peut-il préserver l'innocence de son tendre enfant dans un monde sans loi où l'instinct de survie dicte à l'humain de dépouiller ou de littéralement consommer son prochain, où les autres deviennent l'Autre, une altérité menaçant aussi bien les personnages que la notion même d'humanité ? Par leur désespoir tenace, par leur regard sur la chute des idéaux et sur la dévastation d'un monde à la moralité brinquebalante, les deux films sont clairement deux oeuvres du même joyeux drille.

Comment, donc, expliquer l'inégalité de ces deux films, malgré leur unité flagrante ? Réponse probable : Hillcoat a traversé le Pacifique vers la Californie et son système hollywoodien. Loin de nous l'idée de stigmatiser un cinéma américain en ce moment très en forme, mais il est clair que l'émigration de Hillcoat de l'Océanie vers l'Amérique a perturbé son cinéma.

The Proposition est, sans mauvais jeu de mots, une véritable proposition de cinéma, un western crépusculaire d'une jolie robustesse, tenue de la première à la dernière seconde, un film sans le moindre gramme de graisse, dans la lignée des westerns de Sam Peckinpah auquel Hillcoat emprunte ce goût pour la putréfaction, pour la crasse, la sueur et le sang (on peut penser à Apportez-moi la Tête d'Alfredo Garcia). En réalisant La Route aux Etats-Unis, l'Australien a partiellement perdu ce qui faisait la force de son film précédent : la sécheresse, qu'elle soit narrative ou formelle, ayant nécessairement influé sur la tonalité de l'oeuvre. De ce fait, La Route devient un objet filmique foncièrement schizophrène. D'un côté, Hillcoat garde en partie le ton désespéré apprécié dans The Proposition, générateur de séquences assez dérangeantes (le père qui met un pistolet sur la tempe de son enfant pour lui montrer comment se suicider, ou encore la scène où les deux personnages visitent le sous-sol-garde-manger d'une famille de cannibales). Et d'un autre côté, le réalisateur truffe son film de séquences plus attendues et consensuelles, aptes à soulager les financiers du film (entre autres la dernière demi-heure absurdement mélodramatique).

En résulte un film qui ne sait plus sur quel pied danser, naviguant entre l'audace et la concession, entre le noir le plus profond et le gris le plus délavé. Il n'est pas exclu de penser que c'est ce système hollywoodien, au financement profus mais ne permettant pas une liberté artistique totale, qui a en partie affadi le cinéma de Hillcoat. Là se trouve peut-être la clé de l'inégalité de ses deux films, puisant pourtant tous deux allègrement dans un imaginaire américain : si The Proposition est un western réussi de par son positionnement hors de ses repères génériques américains conventionnels, le transformant en un vrai film des antipodes mâtiné d'une étrange élégance auteuriste de style européen, La Route est lui un pur road movie où subsiste encore quelques jolies étincelles formelles mais qui se trouve un peu avalé par un symbolisme un peu lourd, par une religiosité affichée, par un retour aux valeurs traditionnelles (la reconstitution aléatoire d'une famille dans le "happy end"), bref, par une américanité qui existe légitimement dans le roman de l'Américain McCarthy mais qui a tendance à dénaturer le véritable style cinématographique, très apprécié dans son oeuvre précédente, de l'Australien Hillcoat.

Nous attendrons donc avec une certaine impatience son prochain film pour voir si ce formidable réalisateur parviendra à adapter la beauté rêche de son cinéma océanien aux impératifs du cinéma américain ; sans exagérer, si la greffe réussit, nous pourrions bien nous retrouver avec un cousin artistique de Paul Thomas Anderson, autre grand moraliste alliant un sens certain du récit à une forme à la fois sèche et virtuose. A suivre.

Michaël Delavaud

 

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